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[Covid-19] J’ai plus d’toux, ne visitons pas mamie Marylou !

Bonjour à tous. 🙂

Voilà maintenant plus ou moins deux semaines que nous sommes tous confinés. Une situation émotionnellement difficile pour beaucoup de gens, mais qui peut être critique pour les personnes dépendantes, comme les personnes d’âge avancé.

Et s’il n’est rien de plus important que la solidarité et l’entraide en ce moment, je voudrais attirer votre attention, chers lecteurs, sur un article publié aujourd’hui dans le prestigieux journal scientifique Nature.

Cette étude s’est déroulée en Allemagne, à Munich, ville célèbre pour avoir tenu les jeux olympiques de 1972 et pour l’oktoberfest son club de foot. Le contexte est particulier puisque le 27 janvier 2020, un groupe de malades du Covid-19 (on appelle ça un cluster) a été identifié dans cette ville, et les malades ainsi que leurs proches ont été suivis au centre hospitalier grâce à la colossale force de tests biologiques disponible dans ce centre hospitalier. Une fois retracés les contacts et identifiés les couples contaminant/contaminés, certaines des personnes qui n’avaient pas encore déclaré les symptômes ont été suivies à l’hôpital et des analyses biologiques ont été entreprises dès la survenue des premiers symptômes, même très légers.

Des échantillons de sang, d’urine, de fèces (manière scientifique de dire caca) et des prélèvements nasaux, oraux et d’expectorations (ce que tu craches quand tu tousses quoi) ont alors été réalisés quotidiennement sur les patients.

Le cœur, ce n’est pas tout…

A ce stade, je dois expliquer un truc tout simple, mais qu’on ne peut pas deviner… Depuis le début du confinement, les gens se battent pour savoir combien de temps le virus peut rester sur des surfaces inertes. Le délire a commencé après que le Centre de Contrôle des Maladies (CDC) des Etats-Unis ait annoncé avoir trouvé des traces du virus sur un paquebot 17 jours après que les passagers l’aient déserté. Donc là, tout le monde a perdu son slip, a paniqué et s’est mis à javeliser son chien… Rappelons qu’un bon lavage à l’eau et au savon, ça suffit pour tuer le SARS-CoV-2, sur moi, sur vous, vos gosses et vos animaux…

Bon, parlons un peu de cette histoire de détection du virus. Il y a plusieurs façon de détecter le coronavirus, que ce soit chez des patients ou sur une surface. La plus facile, c’est de détecter des composants du virus, et notamment son ARN qui est la partie du virus contenant son information génétique et lui permettant de se multiplier dans vos cellules. Il existe notamment une technique, appelée la RT-qPCR (on en parlera dans un autre article) qui permet de quantifier le nombre de copies d’un ARN et donc d’estimer le nombre de virus présents sur une surface ou dans un prélèvement.

Bon, du coup c’est très bien, non ?… Imaginons que je vous dote du super-pouvoir le plus claqué de tous les temps : vous pouvez détecter un foie (l’organe) à travers les murs. OK. Maintenant, je vous emmène dans une baraque et vous voyez qu’il y a un foie dans la pièce d’à côté… Mais y a-t-il une personne vivante à côté ? Peut-être est-ce votre ado, vautré immobile sur le canap’ entrain de « Snapchat avec ses bros ». Impossible de le savoir. Et la RT-qPCR, c’est pareil. Elle peut dire qu’il se trouve un composant d’un virus à un endroit donné à un instant donné, mais elle ne nous dit pas si le virus est encore infectieux. Or c’est ça qui nous intéresse !

Alors comment on fait ? Ben comme avec l’ado, on lui file du substrat : on entrouvre la porte de la chambre et on pose un paquet de chips au bacon devant. S’il se jette dessus, il est encore vivant. Sinon, il est possible qu’il n’y ait que son foie, déso. Pour le virus, on va simplement le mettre en contact avec des cellules qui sont ses cibles, dans une boite de culture. Si le virus est encore infectieux, il va entrer dans les cellules pour s’y multiplier et on pourra le détecter. Cette technique est donc efficace pour quantifier les virus infectieux, mais elle est plus complexe à mettre en oeuvre et demande plus de temps qu’une « simple » RT-qPCR.

J’ai le Covid-19, suis-je contagieux·se ?

Sans surprise, la réponse va être en demie-teinte. Le nombre de patients est relativement faible et, surtout, on ne s’intéresse qu’à des cas légers à intermédiaires, pas les cas les plus graves. On prendra des pincettes donc. Oh, et ne paniquez pas si vous voyez des graphiques étranges avec pleins de couleurs, tout va bien se passer, on va tout expliquer très simplement. 🙂

Commençons par les résultats de RT-qPCR, c’est à dire là où on peut détecter -ou non- la présence du virus, sans savoir s’il reste infectieux :

Disons le tout de suite, ça va parler morve, ça va parler crachats, ça va parler bave. Si c’est le genre de sujets qui vous plait bien, vous êtes au bon endroit.

Nombre de copies de l’ARN du virus dans les échantillons prélevés dans la gorge (jaune), le nasopharynx (brun), les expectorations (orange) et les fèces (gris) après apparitions des symptômes du Covid-19 (Source 1).

Commençons par le début : vous avez tous vu des médecins mettre des sortes de coton-tiges bien au fond du nez (le nasopharynx) ou de la gorge des gens qui étaient testés. Sur le graphique ci-dessus à gauche, on représente le nombre de copies de l’ARN du virus (en logarithme base 10, ce qui veut dire que le nombre indiqué, c’est le nombre de zéro à mettre derrière le 1; donc 2 c’est 100 copies, 3 c’est 1 000 copies… et 9 c’est 1 000 000 000 copies !) dans les prélèvements en fonction du jour après l’apparition des symptômes. En jaune on trouve les prélèvements réalisés dans la gorge et en brun ceux du fond du nez. Sans surprise, on détecte la présence du virus rapidement après l’apparition des symptômes et il décroit au fil du temps jusqu’à atteindre la ligne marquée « neg » qui veut dire négatif. Mais, pour certains patients, le virus reste détectable jusqu’au jour 20/21 alors que les auteurs disent que les symptômes avaient largement diminué à la fin de la première semaine !

De même, on retrouve pas mal de copies d’ARN du virus dans les expectorations des patients, comme on peut le voir sur le graphique de droite… Alors les plus curieux d’entre vous peuvent se demander où se multiplie le virus. Se multiplie-t-il dans les voies respiratoires supérieures ET les poumons ? Ou seulement à l’un des deux endroits et la respiration transporte les particules virales à l’autre place ? Bonne question Billy. Et la réponse est probablement les deux. Pour savoir cela, les chercheur ont utilisé une astuce : lorsque le virus se mutliplie, il crée un second type d’ARN, appelé ARN subgénomique, qui va servir de modèle au virus pour se répliquer. Or, il est possible de détecter cet ARN subgénomique également par RT-qPCR et donc, uniquement dans les cellules infectées. Donc si on le détecte dans un échantillon, on peut estimer que le virus a de bonnes chances de se mutiplier dans les cellules à cet endroit là. Or on l’a retrouvé au jour 4/5 dans le nez et la gorge, et du jour 4 au jour 11 dans les expectorats (c’est la figure 1h de l’article, elle est un peu ardue pour que je l’explique ici celle-ci…). Au début le virus semble donc se multiplier dans les voies aériennes supérieures et les poumons et s’attarder plus longtemps dans ces-derniers.

Détection des virus infectant des cultures dans les échantillons prélevés dans la gorge ou le nasopharynx (jaune), les expectorations (orange) et les fèces (gris) après apparitions des symptômes du Covid-19 (haut) et en relation avec le nombre de virus présents (bas) (Source 1).

Maintenant qu’on a vu là où on peut détecter l’ARN du virus, voyons là où on peut trouver des virus infectieux ! Pour ça, on a pris des échantillons des expectorats, du nez, de la goge et des fèces et on a mis ça sur des cellules sensibles au virus SARS-CoV-2. Et on a regardé si elles se faisaient infecter. Petite aide pour lire les graphiques : les échantillons qui ont réussi à contaminer la culture de cellule sont au dessus du la ligne noire (pos. culture) et ceux qui n’ont pas réussi sont en dessous (neg. culture). Pour les couleurs, les prélèvements du nez et de la gorge sont en jaune, les expectorats en orange et les fèces en gris. Sur le graphique du haut, on peut voir l’infectiosité en fonction du temps depuis l’apparition des syptômes; sur celui du bas on voit l’infectiosité en fonction du nombre de virus par mL d’expectorat, par échantillon de nez/gorge ou par gramme de fèces.

Premier résultat, les virus présents dans les fèces ne semblent pas être infectieux, quelque soit la quantité de virus présente (ce n’est pas une raison pour ne pas se laver les mains après avoir fait popo Kilian).

Par contre, on voit qu’on peut trouver des virus fonctionnels dans la gorge et le nez au jour 3/4 et dans les expectorats du jour 3 au jour 8. Tu comprends là, pourquoi tu dois tousser dans ton coude ? Si on regarde le graphique du dessous, on voit ce qu’on pouvait intuitivement attendre : plus le nombre de virus dans les expectorats ou le nez/la gorge est élevé, plus l’échantillon semble infectieux.

Modélisation de la proportion d’expectorats contagieux en fonction du temps après apparition des symptômes (Source 1).

Les auteurs de l’étude ont également modélisé la probabilité qu’un expectorat soit contagieux en fonction du temps passé depuis l’apparition des symptômes du Covid-19. Globalement, au début de la maladie, tous les expectorats sont contagieux et la contagiosité diminue avec le temps. Seule la moitié peut contaminer la culture de cellules après 1 semaine et l’infectiosité décroit jusqu’au jour 10 environ. A noter que la courbe noire est l’estimation et les deux courbes en pointillés sont « l’intervalle de confiance de 95% », c’est à dire la zone où est on est sûrs à 95% que se trouve la proportion d’expectorats à un temps donné… Autrement dit, on estime que la contagion s’arrête vers jour 10, mais cela pourrait bien durer quelques jours de plus.

Du point de vue des échantillons plutôt sûrs : les études semblent indiquer que le virus n’est pas détecté dans les urines (ce qui n’est, évidemment, pas une raison pour pisser contre les murs quand t’es bourré, n’est-ce pas Kilian ?). La présence du virus dans le sang, aussi appelée virémie, semble également être un phénomène rare retrouvé chez un nombre faible de patients et, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ça ne semble pas associé avec la gravité de la maladie.

Est-ce que je serai immunisé après avoir eu le Covid-19 ?

La question est complexe. Peu de cas de personnes infectées plusieurs fois avec le SARS-CoV-2 ont été rapportés. Toutefois, les auteurs de plusieurs études montrent l’apparition d’anticorps se fixant sur le SARS-CoV-2, le virus causant le Covid-19.

Pourcentage de patients séroconvertis (ayant des anticorps contre le virus) en fonction du temps passé depuis l’apparition des symptômes du Covid-19 (Source 1).

Alors, on peut voir qu’effectivement, les patients sembler monter une réaction immunitaire contre le SARS-CoV-2, puisqu’on peut voir qu’à jour 7, 50% des patients ont des anticorps contre le virus et tout le monde en a au jour 14. Plutôt une bonne nouvelle non ? Oui. Mais il nous manque une donnée… Il existe plusieurs types d’anticorps (on en discutera un jour dans un article) qui ont différentes capacités. Pour l’instant, retenez juste que ces types d’anticorps, on les appelle Ig (pour immunoglobuline, le nom scientifique des anticorps) et une lettre… IgA, IgD, IgG, IgM… Non, les IgB et IgC n’existent pas, on est biologistes, pas profs de français.

Dans cet article, les auteurs se penchent principalement sur les IgM et les IgG. Les IgM sont les premiers anticorps qui apparaissent contre un microbe, si on en a beaucoup contre un virus ou une bactérie, c’est qu’on l’a rencontré récemment, du coup normal qu’on en trouve dans ces études. Les IgG sont des anticorps plus polyvalents et surtout plus « travaillés » car, contrairement aux IgM, le système immuitaire met du temps pour les peaufiner afin qu’ils reconnaissent au mieux le microbe. On les retrouve dans l’organisme, dans le sang, dans les tissus etc… Mais du coup… Si le virus est dans les poumons et dans le nez/la gorge, ils peuvent y aller ces anticorps ? Sinon ils vont pas empêcher le virus de s’y multiplier ! Heeeeeu, la réponse n’est pas clairement établie mais plutôt pas non. Les anticorps dont la spécialité est d’être « excrétée », et donc larguée en dehors de l’organisme dans la bouche ou le nez, mais aussi dans le lait maternel ou les intestins, ce sont les IgA. Et il semble aussi d’après une étude pas encore publiée que les patients produisent également des IgA qui pourraient éventuellement être excrétées dans dans le nez et la gorge pour prévenir les futures infections. Affaire à suivre donc !

Conclusion !

Les patients souffrant du Covid-19 disséminent pas mal de virus dans la première semaine où les symptômes apparaissent et notamment leurs expectorations semblent très contagieuses (le coude j’vous dis, et lavez-vous les mains !). Les données suggèrent que les patients peuvent continuer à disséminer des virus « vivants » même dans la seconde semaine après l’apparition des symptômes, malgré le fait qu’ils aillent cliniquement mieux.

Donc, même une fois le confinement levé, si vous pensez que vous avez été malades récemment, attendez un peu avant d’aller rendre visite à des personnes à risque. 🙂

NB : Aucun Kilian n’a été maltraité pendant la rédaction de cet article.

Réferences :

  • Wölfel, Roman, Victor M. Corman, Wolfgang Guggemos, Michael Seilmaier, Sabine Zange, Marcel A. Müller, Daniela Niemeyer, et al. 2020. « Virological Assessment of Hospitalized Patients with COVID-2019 ». Nature, avril, 1‑10. https://doi.org/10.1038/s41586-020-2196-x.
  • Wang, Wenling, Yanli Xu, Ruqin Gao, Roujian Lu, Kai Han, Guizhen Wu, et Wenjie Tan. 2020. « Detection of SARS-CoV-2 in Different Types of Clinical Specimens ». JAMA, mars. https://doi.org/10.1001/jama.2020.3786.
  • Huang, Chaolin, Yeming Wang, Xingwang Li, Lili Ren, Jianping Zhao, Yi Hu, Li Zhang, et al. 2020. « Clinical Features of Patients Infected with 2019 Novel Coronavirus in Wuhan, China ». The Lancet 395 (10223): 497‑506. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)30183-5.
  • Okba, Nisreen M. A., Marcel A. Muller, Wentao Li, Chunyan Wang, Corine H. GeurtsvanKessel, Victor M. Corman, Mart M. Lamers, et al. 2020. « SARS-CoV-2 Specific Antibody Responses in COVID-19 Patients ». MedRxiv, mars, 2020.03.18.20038059. https://doi.org/10.1101/2020.03.18.20038059.

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