Toutes les données présentées dans cet article viennent de la base de données publique clinicaltrials.gov du NIH où peuvent être déclarés les essais cliniques. Les données présentées ici datent du 13 avril 2020 et ne tiennent pas compte des essais cliniques ultérieurs.
Il y avait alors un total de 469 études cliniques concernant le Covid-19 déclarées sur ce base de données. C’est une quantité colossale d’études considérant le peu de temps écoulé entre la découverte du virus, la pandémie et le temps d’analyse.
Les patients impliqués dans les essais cliniques
Le nombre de patients prévus pour les différents essais clinique varie beaucoup entre les études. La majorité des études prévoit un nombre de patients de l’ordre de la centaine au millier. On retrouve bien des essais cliniques ayant un faible nombre de participants (16 essais cliniques incluent 10 patients ou moins) ou, au contraire, un nombre très élevé de membres (10 études portent sur 100 000 patients ou plus), toutefois les premières reflètent l’urgence de la situation actuelle et le besoin d’avancer avec des données limitées, là où les secondes se projettent sur un avenir à long terme et veulent apporter une réponse complète et indiscutable quitte à travailler des années sur le sujet. Car en effet, un essai clinique sur des centaines de milliers de personnes n’est pas une mince affaire : il faut que toutes ces personnes tombent malades et soient traitées dans un des centres participant à l’essai clinique pour y être intégrées.
Chose intéressante à noter, les essais cliniques ciblent majoritairement des personnes adultes et âgées plutôt que des enfants. Cette répartition est logique puisqu’elle reflète la réalité clinique : il y a plus de personnes âgées et d’adultes hospitalisés que d’enfants.
On notera 3 essais cliniques qui concernent les femmes enceintes : deux suivent les caractéristiques et l’évolution du Covid-19 chez elles, et la troisième analysent des paramètres plutôt psychologiques en évaluant la qualité de leur sommeil, leur niveau de stress et leur activité physique en condition de confinement. Deux autres études concernent les nouveaux-nés et se penchent sur le risque que la mère transmette le virus à leurs bébés, ainsi qu’aux risques particuliers des tout-petits qui pourraient développer le Covid-19.
Études interventionnelles versus observationnelles
Lorsqu’on veut faire des études cliniques, on peut globalement avoir deux objectifs : soit on veut observer, soit on veut intervenir.
Si on souhaite se contenter d’observer, comme un tier des études ici, cela peut être pour voir comment évoluent les patients souffrant du Covid-19, s’ils souffrent ou non d’autres maladies associées (on parle de comorbidité) comme le diabète ou des maladies auto-immunes par exemple. C’est non-seulement intéressant pour savoir si les pathologies interagissent entre elles, mais ça peut aussi permettre de savoir si certains traitements utilisés dans des maladies auto-immunes diminuent la gravité du Covid-19 ou, au contraire, si certaines interventions chirurgicales risquent de moins bien se passer si le patient a chopé le SARS-CoV-2.
Si le corps médical va intervenir auprès des personnes dans deux tiers des études environ, c’est afin de prévenir la maladie ou de tenter d’améliorer le cours de celle-ci, que ce soit en soignant les patients ou en améliorant leur qualité de vie. D’ailleurs, dans le cadre particulier du confinement, il y a également des études pour améliorer les conditions physiques et psychologiques des gens confinés, mais nous en reparlerons plus bas !
Le 1% restant sur le graphique concerne les autorisations temporaires d’usage. C’est un procédé qui permet aux personnes souffrant d’une maladie grave et ayant une évolution défavorable de pouvoir bénéficier d’un traitement qui pourrait éventuellement les aider, en dehors du cadre d’un essai clinique et seulement si aucun traitement efficace n’est disponible. On appelle aussi cela un traitement compassionnel… en gros, c’est donner ce que l’on a quand on n’a plus grand chose à perdre.
Les études observationnelles
Comme on l’a vu ci-dessus, il peut y avoir plusieurs intérêts à réaliser des études de ce type.
Certaines études vont décortiquer les caractéristiques cliniques des patients souffrant du Covid-19 afin de pouvoir dresser un tableau le plus complet possible des différents symptômes associés à la maladie (sur le plan pulmonaire, sanguin, cardiaque…), mais aussi tenter de trouver des marqueurs et des techniques jusque là inconnus (avec une prise de sang, une radio, un écho…) pour dépister rapidement et efficacement les patients, disséquer leur réponse immunitaire, et surtout déterminer avec précision les facteurs de risque de la maladie. Est-ce que les personnes souffrant de diabète, d’asthme, de maladies auto-immunes, les receveuses d’organes ou celles qui doivent subir une chirurgie sont plus à risque de formes graves du Covid-19 ? Ces études permettront de le savoir…
On retrouve donc, pèle-mêle, des études concernant :
- une application dont le but est d’enregistrer le son de toux d’un millier de personnes afin d’aider au diagnostic via une intelligence artificielle !
- le niveau de détresse psychologique des personnes durant le confinement, leur traumatisme après être passée par un service de réanimation. D’autres études approchant portent sur des gens qui font des séances de méditation…
- la façon dont on utilise les réseaux sociaux pendant la crise et comment les personnes réagissent aux fake-news s’y répandent.
- les habitudes alimentaires des gens et l’évolution de leur activité physique en condition sédentaire forcée.
- l’évolution du Covid-19 chez des gens prenant des médicaments pour d’autres pathologies (immunodépresseurs, bloqueurs de l’angiotensine…) , ceci pouvant permettre de découvrir de nouvelles pistes thérapeutiques.
- le danger potentiel de certaines maladies associées (diabète, maladies cardiovasculaires…).
La perspective temporelle des essais cliniques
N’ayez pas peur des gros mots dans le titre, c’est très facile à comprendre en fait.
Imaginons que l’on souhaite réaliser un essai clinique sur le Covid-19. Il y a des aujourd’hui près de 2 millions de personnes dont le diagnostic a été confirmé à travers le monde et, malheureusement, plus de 100 000 décès attribués à cette maladie. Cela peut représenter une banque de données importante afin de réaliser des essais cliniques observationnels.
On peut souhaiter utiliser les données des patients actuellement à l’hôpital pour réaliser une étude dite transversale. Ce genre d’études permet de capturer à un instant donné la situation des patients. On va aller recueillir des informations sur la population hospitalisée pour essayer de comprendre pourquoi ils sont malades. L’idée est d’essayer de généraliser la population hospitalisée à un temps donné à l’ensemble des personnes malades. La limite de l’étude dans le temps est un point fort et un point faible de cette technique. En effet, ces études peuvent être faites dans l’urgence, rapidement, mais elles ne reflètent pas nécessairement l’ensemble des gens malades sur tout le temps de l’épidémie. Pour donner un exemple par l’absurde, au début de l’épidémie de Covid-19 en France, être protestant aurait été un facteur de risque lors d’une étude transversale puisque la majorité des patients ont été infectés lors d’un rassemblement religieux.
Pour remédier à cela, une fois que le nombre de malade est élevé, on peut réaliser une étude dite rétrospective où on va analyser les données issues d’un ensemble de patients étant passés à l’hôpital. Un des gros avantages sur les études transversales, c’est qu’on connait l’évolution du malade (de la plus heureuse à la plus mauvaise) ce qui permet de pouvoir déterminer des facteurs de risque avec plus de précision. L’un des désavantages de ce type de design, c’est qu’on va reposer sur des données passées et donc imprécises : les informations que l’on a des patients seront fixes et ne pourrons pas être déterminées avec précision. Imaginons un essai clinique où, puisque vous avez présenté les signes cliniques du Covid-19, on vous demande « Estimez la quantité de légumes verts que vous avez mangé au cours des 2 semaines précédent votre admission à l’hôpital« … Je ne sais déjà plus ce que j’ai mangé hier soir. On peut probablement travailler avec plus de sûreté non ?
Hé bien oui, on peut. C’est long et coûteux, mais c’est en réalisant des études dites prospectives que l’on obtient les meilleurs résultats. En effet, dans ce genre de situations, on s’y prend à l’avance et on va recruter des gens dont on va mesurer précisément la consommation de légumes verts, de façon expérimentale et scientifique et seulement ensuite on va regarder si les gens tombent malades. Evidemment, ça va prendre plus de temps puisque, contrairement à un contexte rétrospectif, on n’a pas encore acquis les données et on doit donc laisser passer du temps pour les obtenir et payer des gens pour réaliser l’étude… Mais que voulez-vous, les belles données se font désirer ! En l’occurrence, plus des deux tiers des études observationnelles sur le Covid-19 sont des études prospectives (et c’est bien).
Donc, en une phrase, une étude prospective mesure l’exposition (la consommation de légumes) avant la survenue de l’événement étudié (les symptômes du Covid-19) là où une étude rétrospective va mesurer l’exposition après la survenue de l’événement.
Modèle de recrutement des patients dans les essais cliniques
On va voir ensemble quelque exemple de cas qui permettront de comprendre les différents modèles de recrutement existant.
Imaginons que vous êtes un centre hospitalier (non, vous n’êtes pas si gros, mais imaginons) et que vous avez pas mal de gens malades du Covid-19 chez vous. Vous vous demandez « Parmi les adultes hospitalisés à cause du Covid-19, combien font pouvoir rentrer chez eux au bout de 5 jours ? » car c’est une statistique intéressante pour connaitre la dynamique d’occupation des lits de votre hôpital. Ben dans ce cas, c’est facile, c’est une étude « Cas seulement » qui est rétrospective. Vous prenez les patients que vous avez traités et dont vous avez confirmé qu’ils souffrent du Covid-19 et vous regardez au bout de combien de temps ils rentrent chez eux, le but étant de donner une simple donnée temporelle sans la comparer à quoi que ce soit.
Bon, vous menez votre étude et vous arrivez à un certain pourcentage de personnes rentrées chez elles. Vous êtes content, vos publiez vos résultats. Seulement voilà, au téléphone ce matin avec votre confrère de l’hôpital Sainte-Mangouste, vous évoquez vos régimes alimentaires sains et le fait que vous ne soyez pas malades… Et si la consommation de brocolis (un légume vert, comme par hasard…) réduisait le temps de la maladie ?! Vous allez donc ressortir vos dossiers des patients étant sortis et ceux n’étant pas sortis au bout de 5 jours. Vous allez donc réaliser une étude dite « Cas-contrôle » rétrospective et associer les patients qui sont sortis plus vite (cas) à des patients qui ne sont pas sortis au bout de 5 jours (contrôles) mais de même profil (âge, sexe, comorbidités…) et leur demander s’ils quelle quantité de brocolis ils ont mangé dans la période étudiée. Le but est de déterminer s’il y a une différence significative dans la consommation de brocolis (l’exposition) entre les cas et les contrôles. Pendant ce temps, votre collègue à Sainte-Mangouste pourra, par exemple, vérifier si les gens qui tombent malades (cas) ont tendance à manger plus ou moins de brocolis que ceux de même profil qui ne sont pas tombés malades (contrôles).
Fort bien. Vos données semblent vous conforter dans l’idée que les gens qui mangent des brocolis ont une meilleure évolution du Covid-19 et peuvent rentrer plus rapidement chez eux ! Quelle étude passionnante. Mais votre épidémiologiste ne veut pas vous croire, peu convaincu par les données obtenues rétrospectivement. La personne qui confond les brocolis et les choux-fleurs semble le laisser perplexe, et les données que certains expriment en « têtes de brocolis », d’autres en « kilogrammes » et les derniers en « je-suis-carnivore/un-peu/beaucoup/passionnément » ne finissent pas de le convaincre. Ils vous propose donc une étude de cohorte et tant qu’à faire, il propose de la faire prospective ! Ensemble, vous recrutez 1 000 personnes de tous âges, classes sociales, avec ou sans pathologies chroniques et vous commencez à mesurer précisément leur consommation de brocolis. Votre casse-pieds d’épidémiologiste vous suggère de réaliser cette étude sur 2 ans, générant ainsi des données pour 2 000 personnes-années (parce que 1 000 personnes sur 2 ans). Et à la fin, on regarde qui, dans votre cohorte, est tombé malade, et on tente d’associer ça aux paramètres mesurés tels que la consommation de brocolis. Et là, c’est le drame. Mesurée expérimentalement, la consommation de brocolis ne semble ni prévenir, ni améliorer la course du Covid-19. Dommage…
Du coup, les deux formes d’études ont des avantages en général. Imaginons que l’on étudie une maladie rare dans la population : si on recrute une cohorte de 1 000 personnes, on aura peu voire pas de personnes touchées. Pour les maladies rares, les études cas-témoins sont donc peut-être à privilégier. Mais dans le cas du SARS-Cov-2, on n’a pas à affronter ce problème.
Les études interventionnelles
Bon, là, vous l’aurez compris, le but c’est d’intervenir sur les personnes. L’étude ne peut donc qu’être prospective, car c’est compliqué d’intervenir avec une événement déjà passé, aussi on ne prend pas la peine de le préciser.
Objectifs des études interventionnelles en cours
Pas très étonnant en cette période de pandémie, la majorité (deux tiers) des études cliniques visent à traiter les personnes souffrant du Covid-19. Le reste des études ont pour but d’aider à prévenir la maladie, à la diagnostiquer ou à améliorer la qualité de vie des malades, mais aussi des gens confinés.
Jetons un coup d’œil un peu plus détaillé sur ces études :
- 224 des études interventionnelles utilisent un ou des médicaments.
- 12 études s’intéressent l’alimentation ou des compléments alimentaires, dont huit incluent la vitamine C, trois la vitamine D, quatre la supplémentation en acides gras, et trois la supplémentation en zinc.
- 8 études portent sur des remèdes de la médecine traditionnelle chinoise en incluant, de façon non exhaustive, le Huaier (extrait d’un champignon poussant sur les souches d’arbre), le Yinhu Qingwen (une préparation d’herbes) et le Xiyanping (une préparation d’herbes).
- 27 essais portent sur du matériel : allant de vérifier l’efficacité des masques chirurgicaux et du FFP2 contre le Covid-19 (1 étude) jusqu’aux appareils permettant une meilleure oxygénation des patients (9 études).
- 8 essais portent sur des vaccins : 6 sur des vaccins spécifiques du SARS-CoV-2 et 2 vérifient si la vaccination BCG peut aider à prévenir ou améliorer le Covid-19.
On retrouve, parmi les médicaments testés, quelques « stars » du Covid-19 :
- Le Lopinavir (17 études), un inhibiteur de protéases qui empêche la réplication des virus dans les cellules, et le Ritonavir (19 études) qui améliore l’efficacité du Lopinavir tout en ayant sa propre activité antiprotéases. On les retrouve dans un total de 19 études, soit 4% du total des essais cliniques.
- Le Remdesivir, un analogue d’un nucléotide (l’adénine), qui va bloquer l’enzyme qui réplique l’ARN viral et l’empêcher de se multiplier. Il est utilisé dans 8 études portées par son fabricant, la société Gilead, soit 1,7% des études.
- La chloroquine et l’hydroxychloroquine sont présents dans 69 études cliniques. Ils sont en combinaison avec l’Azithromycine dans 10 essais différents (cet antibiotique est aussi étudié dans 4 autres essais associé à d’autres molécules). Les dérivés de la chloroquine sont donc présents dans 14,7% des études cliniques mondiales… Et après certains nous disent qu’on ne teste pas cette molécule à cause d’une Omerta de BigPharma.
Les vaccins à l’étude contre le Covid-19
Commençons par les deux études qui utilisent le vaccin contre le bacille de Calmette et Guérin, aussi appelé BCG et qui est un vaccin contre la bactérie qui cause la tuberculose. Quel rapport, me demanderez-vous ? Premièrement, des études épidémiologiques pilotes ont trouvé que les pays où la couverture vaccinale contre le BCG est élevée semblent globalement mieux s’en sortir contre le Covid-19 (1, 2, 3, 4). Il est connu que ce vaccin a une capacité à renforcer pendant une certaine période le système immunitaire de façon aspécifique, c’est à dire pas seulement contre la tuberculose. On appelle cela l’immunité entraînée (c’est différent de l’immunité adaptative !)(5). Plus particulièrement ici, c’est sa capacité à stimuler les réponses immunitaires cellules, particulièrement efficaces contre les cancers et les infections virales, par exemple (6) ! Les deux études portant sur ce vaccin sont réalisées sur le personnel médical, dans le but de prévenir la maladie ou du moins les formes graves. La première, réalisée aux Pays-Bas, comporte 1 500 personnes et est randomisée et en double-aveugle (on verra plus bas ce que ça veut dire) et la seconde, australienne, compte quelques 4 000 membres et est randomisée et ouverte. Ceci permettra sans doute d’avancer dans le débat quant à l’utilité théorique du BCG dans la prévention du coronavirus.
OK ! Passons maintenant aux vaccins spécifiques du SARS-CoV-2, dans le but de prévenir le Covid-19.
J’ai déjà parlé sur Facebook du premier vaccin qui est entré en essai clinique contre le Covid-19 (NCT04283461). Il s’agit d’un vaccin à ARN messager porté par Moderna Therapeutics. Cette technologie permet de réaliser très rapidement le design d’un nouveau vaccin dès lors qu’un nouveau pathogène est découvert et que sa séquence génétique a été déterminée par les chercheurs. On s’affranchit de la nécessité de réaliser des protéines stable du microbe en faisant produire la protéine d’intérêt directement par nos cellules ! S’il fonctionne et qu’il reçoit une autorisation de mise sur le marché, ce serait une innovation technologique majeure pour les futurs vaccins.
La catégorie de vaccins suivant est composée de vaccins utilisant un type de virus appelé adénovirus. En biologie, on utilise ces virus pour faire exprimer un gène qui nous intéresse à une cellule. En l’occurence, deux essais cliniques (NCT04341389 et NCT04324606) utilisent des adénovirus qui ne sont pas capables de se multiplier pour faire entrer des gènes du coronavirus SARS-CoV-2 dans nos cellules. Ces protéines, dont on connait les séquences d’acides aminés, ont été choisies après analyse de leur structure 3D par des cristallographes qui ont déterminé quelles étaient les parties les plus importantes pour le virus lorsqu’il interagit avec son récepteur à la surface de nos cellules. En gros, le processus est le même que celui du vaccin à ARN de Moderna : faire produire une protéine virale à nos cellules pour activer le système immunitaire. L’avantage ici est que les virus vont favoriser l’entrée de l’acide nucléique (l’ADN ici) en l’injectant directement dans les cellules et la présence du virus va aussi agir comme un adjuvant et renforcer la réponse immunitaire.
Un peu sur le même principe, un essai clinique (NCT04334980) a utilisé une bactérie appelée Bifidobacterium longum, commensale du tube digestif humain qui cohabite avec nous en toute harmonie. Cette bactérie a été modifiée afin qu’elle relâche de l’ADN encodant la fameuse protéine de la pointe du SARS-CoV-2 pour que nos cellules produisent cette protéine virale, toujours sur le principe expliqué ci-dessus. Ce vaccin, assez expérimental a pour vocation d’être délivré oralement. Mention spéciale pour les stressés des aiguilles donc !
Finalement, les deux derniers essais cliniques ont décidé de faciliter la vie du système immunitaire en lui pré-mâchant le travail. En effet, il existe des cellules immunitaire appelées les cellules présentatrices d’antigènes qui sont les sentinelles de notre immunité. Le but de ces deux études est d’injecter ce type de cellules aux patients, après les avoir modifiées par génie génétique pour qu’elles présentent une protéine du coronavirus au reste du système immunitaire et induisent la meilleure réponse possible (rappelons que c’est leur job, ce sont les meilleures pour faire ça). Une des études va modifier les cellules du patient à l’aide d’un lentivirus (une alternative à l’adénovirus vu plus haut) avant de les lui réinjecter avec des cellules immunitaires qui reconnaissent spécifiquement le SARS-CoV-2 (NCT04276896) pour faciliter le maximum la vie à l’immunité. L’autre étude se contente d’injecter des cellules présentatrices d’antigènes artificielles modifiées, elles aussi, pour présenter la protéine du coronavirus (NCT04299724). La point fort de ces approches, c’est qu’il y a de fortes chances qu’elles fonctionnent bien. L’inconvénient étant le côté « spécifique » du patient. Il faut des prélèvement de sang des personnes de qui on va modifier les cellules et, outre une logistique énorme, cela demande des jours voire des semaines de travail de laboratoire.
Quoi qu’il en soit, nous n’auront pas les résultats des essais concernant ces vaccins (ni les dizaines d’autres prévus) avant plusieurs mois encore…
La chloroquine, l’hydroxychloroquine et l’azithromycine
Si vous sortez de votre grotte où vous ne captiez aucun réseau, il y a (eu) un gros débat en France quant au fait d’utiliser de la chloroquine ou de l’hydroxychloroquine (un médicament antipaludéen disposant de propriétés antivirales) en bithérapie avec l’azithromycine (un antibiotique macrolide) pour traiter le Covid-19 et/ou prévenir les complications liées à la maladie.
Comme je le disais plus haut, un total de 69 études dans le monde utilisent la chlorquine ou l’hydroxychloroquine dans leur protocole. On peut trouver 52 études où ces molécules sont utilisées en traitement, une fois la maladie déclarée, et 17 où elles sont utilisées en prévention pré- ou post-exposition, donc avant de développer les symptômes, mais aussi avant ou après contact avec un malade du Covid-19.
L’azithromycine est retrouvée dans 20 études. Parmi elles, 18 sont communes avec l'(hydroxy)chloroquine, soit en combinaison soit en opposition. Cette molécule n’est pas utilisée en préventif (prendre un antibiotique « sans raison » et pour une durée indéterminée n’est peut-être pas une grande idée en même temps) mais est à l’étude aussi bien dans les cas sévères que pour empêcher l’aggravation des cas légers et modérés.
Puisque le débat sur l'(hydroxy)chloroquine et l’azithromycine est si clivant, avec d’un côté une communauté critiquant les méthodes utilisées dans les essais cliniques passés, et de l’autre côté une demande à ce que les essais cliniques soient réalisés avec des doses précises et sur des gens pas sévèrement malades, je sais que vous vous posez une question : oui, des études utilisent un protocole très proche de celui préconisé par l’IHU de Marseille. Par exemple deux études (NCT04336332 et NCT04338698) portent sur des patients non sélectionnés pour leur sévérité, voire ne requérant pas d’intubation et utilisent une dose de 600mg d’hydroxychloroquine + azithromycine par jour, pendant 5 jours. Cette énigme là sera donc, elle aussi, résolue une fois ce travail terminé.
La qualité des études interventionnelles
Il existe plusieurs facteurs pour juger de la qualité d’une étude clinique, et donc de la solidité des données qu’elle a générées. Le premier point a trait à la façon dont les patients sont répartis, ou non, entre les différents groupes de l’étude. On appelle cela la randomisation.
En effet, une étude interventionnelle avec groupe unique permet de tirer peu de conclusions : si on prend 20 personnes souffrant du Covid-19, qu’on leur file du brocolis (non, ce n’est pas une fixation) et qu’elles guérissent toutes, cela veut-il dire que le brocolis est efficace pour traiter le Covid-19 ? Peut-être pas… Il nous manque un groupe de 20 personnes qui n’ont pas mangé de brocolis (ou pas plus de brocolis qu’à l’accoutumée) pour voir si elles ne s’en seraient pas aussi bien sorties finalement.
OK, mais comme vous êtes sympa, vous allez faire deux groupes non-randomisés : le premier qui aime les brocolis et le second qui n’aime pas. Et vous allez regarder si un groupe s’en sort mieux que l’autre, non ? Le problème ici c’est qu’il peut y avoir d’autres différences entre les deux groupes. Peut-être que ceux qui aiment les brocolis mangent aussi plus de haricots ? Et vous risqueriez d’estimer à tort que les brocolis aident à lutter contre le Covid. Ou pire ! Persuadé que vous êtes que les brocolis aident à lutter contre cette maladie, vous attribueriez les gens les plus sévèrement malades au groupe « Brocolis » et vous biaiseriez les résultats en donnant une groupe de patients plus difficiles à ce traitement !
La répartition qui génère les meilleurs résultats, c’est la randomisation. En gros, vous prenez votre groupe de patients et, pour chacun, vous faites un pile ou face pour savoir dans quel groupe il va se retrouver. Le hasard est hautement impartial et il permettra de lisser les différences entre les groupes de votre étude pour la rendre plus homogène.
Le second point concerne le fait que les patients et le personnel soignant sache, ou non, qui prend quel traitement, ou le placebo. En effet, si le patient pourra subjectivement se sentir mieux s’il sait qu’il reçoit une molécule testée, et le médecin pourra être biaisé dans son évaluation des symptômes par exemple. Une étude où tout le monde sait qui prend quoi est dite une étude « ouverte ». Si seul le patient ne sait pas dans quel groupe il est se trouve, elle est dite en simple aveugle (ou simple insu) alors que si le personnel médical ne le sait pas non plus, on parle de double aveugle (ou double insu). Ce sont donc les études en double aveugle celles dont les données sont les plus objectives et de meilleure qualité. On notera que les gros essais cliniques comprennent beaucoup de personnel, et on peut donc parler d’études triple ou quadruple aveugle aussi, où le participant, le personnel soignant, le scientifique à l’origine de l’étude et celui qui décortique les résultat ne connaissent pas le groupe de chaque patient avant le terme des analyses.
Où ont lieu ces études ?
On s’y attendait, les Etats-Unis et la Chine ont la tête de ce classement. La France, qui détient le plus haut nombre d’essais en cours sur son territoire en Europe, est la troisième sur le podium. A eux trois, ces pays rassemblent 47% des essais cliniques en cours.
États-Unis (91), Chine (81), France (50), Italie (32), Allemagne (17), Canada (16), Espagne (16), Royaume-Uni (15), Danemark (11), Pays-Bas (8), Brésil (7), Turquie (7), Mexique (6), Belgique (6), Suisse (6), Hong Kong (5), Corée du Sud (5), Iran (4), Égypte (4), Singapour (4), Australie (4), Colombie (3), Taïwan (3), Israël (3), Irlande (3), Norvège (3), Roumanie (3), Chypre (2), Pakistan (2), Suède (2), Monaco (2), Inde (1), Nigéria (1), Autriche (1), Jordanie (1), Vietnam (1), Thailande (1), Afrique du Sud (1), Grèce (1), Indonésie (1), Guyane française (1), Japon (1), Croatie (1), Hongrie (1), Nouvelle-Zélande (1), Portugal (1).
Références
- https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.24.20042937v1.full.pdf
- https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.01.20049478v1
- https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.30.20048165v1
- https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3568954
- https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1044532314000888
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6896902/
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/32155444
Bonjour,
Merci pour cet article, qui malheureusement ne semble pas avoir le même succès que les débunkages.
Mais pourquoi défendre ainsi le les légumes verts et surtout le broccoli? Je trouve qu’il y a une vrai discrimination envers les légumes oranges! 😉
Votre analyse donne un bon apperçu des différentes études en cours, et je découvre grace à vous les différents types de vaccins et surtout l’immunité entraînée, sujet passionnant! Est-ce que vous auriez des sources scientifiques à partager sur le mode de fonctionnement des vaccins à ARN ou ADN qui détaillent un peu plus que wikipédia?
J’aimerais aussi connaître votre avis sur le vaccin BCG. Monsieur Laurent Lagrost me paraît très enthousiaste à ce sujet (https://blogs.mediapart.fr/laurentlagrost/blog/150420/bcg-et-covid-19-mode-d-emploi). Hors, d’après ce que j’ai lu, cet élan d’optimisme qui ne lui est pas propre à propos de ce vaccin viendrait d’études épidémiologique qui observent que les pays qui n’ont jamais imposé cette vaccination contre la tuberculose ont aujourd’hui en moyenne un taux de contamination plus élevé que les pays ayant eu dans le passé une politique de vaccination ou en ayant une actuellement. L’explication pour cette corrélation serait une immunité entraînée induite par le vaccin.
Plusieurs remarques me viennent donc à l’esprit:
– Le vaccin BCG est/était administré à la naissance car il aurait moins d’effets chez l’adulte en ce qui concerne la tuberculose (voir UpToDate). Vu que les pays vaccinant le font en général à la naissance, on ne sait pas à quel bénéfice s’attendre en vaccinant des adultes enc ce qui concerne l’immunité entraînée.
– Je ne saisis pas l’interêt que la France aurait personnellement à se procurer ce vaccin, puisque d’après http://www.bcgatlas.org/ la France à vacciné de 1950 à 2007 l’ensemble de la population, et jusquà l’an dernier le personnel médical. Je note d’une part que l’Allemagne, qui à vacciné « que » de 1961 à 1998 à beaucoup mois de cas COVID19 (même si on ne fait pas de science à partir de cas particulier, c’est bien le cas particulier de la France que nous intéresse ici), d’autre part je suis un peu perplexe sur la population à vacciner. Les plus de 70 ans?
– Les études ne sont pas d’accord entre elles sur la durée d’immunisation par le vaccin BCG contre la tuberculose. Elle est en général évaluée autour de 15 ans. L’immunité entraînée est indépendante de la présence d’anticorps, mais est-elle pour autant présente à vis?